Le linceul
(2022)
Du latin linteolum qui signifie une petite pièce de lin, le linceul est un drap en toile dans lequel on ensevelit un mort ou une personne à l’agonie. Drap mortuaire par excellence, il permet le passage d’un monde à un autre tel un accessoire incorporé au rite. J’ai mis étonnamment un peu de temps à comprendre mon intérêt soudain pour cette thématique, intérêt accentué par l’admiration portée à l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest, mais qui avait aussi un sens bien plus évident… J’ai perdu ma mère en fin d’année 2021 après de longs mois de souffrance et mon père, aujourd’hui âgé de 94 ans, est atteint de la maladie d’Alzheimer. Sans tomber dans le pathos, je pense qu’inconsciemment au départ puis de manière plus consciente, j’ai ressenti le besoin d’exprimer à ma façon ce trop plein d’émotions intériorisées depuis longtemps. Cela reste à la fois très banal car nous sommes tous, un jour ou l’autre, malheureusement confrontés au décès ou à la maladie de nos parents mais cela reste aussi une expérience singulière car nous sommes tous différents face à cette mort parentale annonciatrice inexorablement de la nôtre. Ce vieil homme avec sa barbe blanche est un petit peu mon père, cette femme au visage éternellement jeune est aussi quelque part un petit peu ma mère avant qu’elle ne soit défigurée par la maladie. Et puis toutes ces guerres autour de nous, passées, présentes et toutes celles qui nous attendent… comme si les hommes ne retenaient pas les leçons de l’histoire, comme si ils avaient un tel mépris de la vie et un tel amour de la mort.
J’ai, dans la façon de dessiner les corps, les drapés, les cavités, dans la façon de faire circuler la lumière et les ombres, tenté, par le dessin, d’exprimer quelque chose qui parle des relations profondes qui se forgent entre les hommes et les mythes, entre la vie et les représentations de la vie et de la mort. Ernest Pignon-Ernest