Joséphine

(2021 – 2022)

Cette série est un hom­mage à Joséphine Bak­er, entamée juste avant son intro­n­i­sa­tion au Pan­théon fin novem­bre 2021. Elle s’inscrit dans la con­ti­nu­ité de mes por­traits décon­tex­tu­al­isés réal­isés avec une pro­jec­tion murale en surim­pres­sion. Je joue avec les images en créant des inter­férences spa­tio-tem­porelles en lien avec l’his­toire du sujet. Tour à tour, star de music-hall, espi­onne lors de la sec­onde guerre mon­di­ale, mil­i­tante des droits civiques puis mère adop­tive d’une tribu arc en ciel com­posée de 12 enfants aux orig­ines cos­mopo­lites, Joséphine Bak­er est une femme de courage et de con­vic­tions. Elle fût aus­si à ses débuts, à l’image de la France de cette époque, une per­son­nal­ité com­plexe, par­fois ambiguë face à l’esprit colo­nial du Paris des années folles où ses dans­es endi­a­blées à la célèbre cein­ture de bananes et au son des tam-tam répondaient à une attente du genre : une vision stéréo­typée et raciste du corps noir. Ce prisme exo­tique pré­vau­dra aus­si au cours de l’Ex­po­si­tion colo­niale de 1931 et de ses insouten­ables exhi­bi­tions de vil­lages indigènes, pour laque­lle elle accep­ta d’être l’égérie avant que sa can­di­da­ture ne soit finale­ment rejetée par les autorités. A la fois, anti­sémite, nation­al­iste, colo­nial ou tolérant et ouvert aux artistes du monde entier, le Paris de cette époque fût rem­pli de con­tra­dic­tions et de paradoxes.

Sym­bole assumé d’un exo­tisme éro­tisé très en vogue à cette péri­ode, Joséphine Bak­er, loin d’en être dupe, a su s’ac­com­mod­er de ce rôle de “sauvage” sub­ver­sive et las­cive avec une incroy­able force de car­ac­tère. Femme ambitieuse qui a con­nu la grande pré­car­ité et la ségré­ga­tion raciale la plus abjecte lors de son enfance améri­caine, elle a tou­jours gardé une foi inébran­lable en l’humanité et n’a cessé de com­bat­tre, durant toute sa vie, toutes les formes de racisme. Elle ne s’est jamais posée en vic­time et fût d’une très grande moder­nité dans les dif­férentes actions qu’elle a menées. Le par­cours de Joséphine Bak­er témoigne de la com­plex­ité du regard porté par notre République sur les femmes noires et, au delà de l’aspect sex­u­al­isé, sur les corps noirs en général. A tra­vers ces clichés, c’est bien notre regard que nous devons exam­in­er de façon cri­tique, ce dernier fût déter­miné pen­dant des décen­nies par l’idéolo­gie colo­niale et il en demeure aujour­d’hui encore quelques symptômes.