Adam et Ève #01

(2020 – 2021)

Nous vivons dans une société de cul­ture judéo-chré­ti­enne où la nudité est taboue. Il est très dif­fi­cile, voire totale­ment pro­hibé, de mon­tr­er le corps nu de façon explicite dans les médias ou les réseaux soci­aux. Éton­nam­ment,  les scènes de vio­lence ou à car­ac­tères pornographiques demeurent quant à elles pléthoriques et par­ti­c­ulière­ment acces­si­bles… Il m’a sem­blé oppor­tun de tra­vailler sur une relec­ture pho­tographique du célèbre mythe orig­inel d’Adam & Ève où la ques­tion de la nudité s’avère être déjà essen­tielle et por­teuse de sens. Au IVe siè­cle, saint Augustin n’a-t-il pas inven­té le péché orig­inel et fait pleu­voir sur l’humanité une honte héritée d’Adam et Ève ?

Cette série est née de la fas­ci­na­tion exer­cée par l’influence notable de l’illustre cou­ple de la Genèse, tel un hymne non pas à la cul­pa­bil­ité mais à la respon­s­abil­ité de l’homme face à sa con­di­tion, à ses désirs et à ses craintes. L’homme, depuis l’aube des temps, s’interroge sur ce qu’il est. Il a besoin de nar­ra­tion, de mythes d’origine et d’histoires…

Dans le pro­longe­ment de mes recherch­es sur les por­traits  décon­tex­tu­al­isés, j’ai pho­tographié des femmes et des hommes dans le plus sim­ple appareil, en duo ou séparé­ment mais tou­jours asso­ciés par l’image. Ils posent là frontale­ment comme un préam­bule à la con­voitise du fruit défendu. Le rap­port au corps et à une forme de pudeur plus ou moins feinte, liant mod­èle, pho­tographe puis spec­ta­teur me sem­ble l’essence même du nu pho­tographique. Il s’agit d’un tra­vail sur le corps et la nudité naturelle, dépourvus de tout sen­ti­ment de honte mais s’exerçant dans un jeu d’interactions per­ma­nent. L’ambiguïté naît de cette con­fronta­tion visuelle entre les pro­tag­o­nistes et l’image écran qui appa­raît sur le mur en arrière plan. Don­ner à voir quelque chose qui est là sans l’être…